Si seulement la Forêt de Soignes n’était pas si exceptionnelle…

Ce que l’humanité a fait à la planète en 10.000 ans est quasi indescriptible. L’augmentation de la population, notre expansion sédentaire dans les villages et les villes mais surtout en dehors de ceux-ci dans les lotissements, notre expansion au détriment de la nature en convertissant de plus en plus d’écosystèmes en terres pour l’agriculture, notre croissance économique qui nécessite de plus en plus de terres pour l’exploitation des matières premières, les usines, les ports…

L’humanité occupe la majeure partie de la surface terrestre fertile. Les trois couches de la planète; l’eau, le sol et l’air, sont brisées. L’air est surchargé de gaz à effet de serre. L’eau des rivières et des nappes phréatiques est pleine de pesticides et de nitrates. L’eau des océans est pleine de plastique et nous en avons retiré plus de 80 % de la population de poissons. Et sur le sol, il n’y a pratiquement plus de place – sauf pour les humains – pour les autres formes de vie.

Si l’on mesure la masse totale des vertébrés terrestres de la planète (biomasse vertébrée), elle se répartit de la manière suivante : 65% pour le bétail et nos animaux de compagnie, 32% pour l’humanité elle-même, et seulement 3% pour les vertébrés vivant à l’état sauvage (en Belgique c’est même moins que 1%). Avez-vous remarqué que nos ministres et mandataires responsables du bien-être animal ne s’occupent que des animaux que nous mangeons ou que nous enfermons dans nos maisons ? Apparemment, nous avons complètement oublié les animaux vraiment libres…

Il est essentiel de comprendre que la crise de la biodiversité est encore plus urgente que l’état déjà très problématique du climat. Notre utilisation de l’espace est bien trop importante. Les autres formes de vie n’ont tout simplement plus de place. Les êtres humains occupent beaucoup trop d’espace. Notre population, notre impact par la dispersion des bâtiments, l’industrie et l’agriculture sont bien trop importants. Pour nous sortir, nous et toutes les autres formes de vie, de cette situation dramatique, il suffit de faire quelques choses : réduire nos émissions de CO2, réduire notre population, et surtout, et c’est le plus important, RENDRE DE L’ESPACE À LA NATURE…

C’est pourquoi la Forêt de Soignes, comme tous les sites naturels protégés, est si importante. Ils sont les rares havres de paix de nature intacte qui nous restent. Si nous voulons les préserver, il est essentiel que nous prenions conscience qu’en tant que promeneurs, nous ne sommes autorisés à nous y rendre qu’en tant qu’invités discrets et respectueux de ces milieux fragiles. Nous occupons déjà plus de 80% de la planète, presque tout est à nous. Dans les quelques îlots qui permettent encore la survie quasi impossible des plus de 8 millions d’autres espèces, il est normal que notre présence soit secondaire.

C’est pourquoi il est si important que les visiteurs qui viennent en Forêt de Soignes comprennent que la terre ne nous appartient pas, mais que nous appartenons à la terre. La Forêt de Soignes n’est donc pas la nôtre non plus… ce n’est pas un parc urbain et il ne faut pas que ça le devienne. Ce n’est pas un endroit pour les loisirs intenses, pas un endroit pour les sports intenses, pas un endroit pour que nos chiens puissent courir librement. En cinq ans, le nombre de chevreuils dans la Forêt de Soignes a fort diminué. En 2021 un triste record a été établi : 34 chevreuils ont été mordus à mort par des chiens. Il est clair que cette tendance doit cesser.

C’est la raison pour laquelle nous prévoyons, aux abords et aux portes de la forêt, des zones pour chiens en liberté, des zones de jeu, etc. Mais la plus grande partie de la forêt est vulnérable et mérite d’être protégée. La Forêt de Soignes est un site naturel protégé où nous, et nos besoins – y compris ceux de nos animaux domestiques – doivent être subordonnés aux besoins d’un écosystème planétaire qui est quasi dans un état palliatif.

La Forêt de Soignes est le lieu où nous devons travailler ensemble à la reconstruction de l’écosystème planétaire. C’est le lieu où l’humanité doit réapprendre son humilité spatiale. C’est le début d’un réensauvagement de la terre. C’est le début d’un monde avec plus de ville et plus de village, avec moins de lotissements et moins d’embouteillages, avec plus de transports publics, plus de vélo et moins de voiture, et surtout avec beaucoup plus de nature. Avec tellement plus de nature que la surface de la Forêt de Soignes n’en sera que plus exceptionnelle…

Leo Van Broeck, ex-Bouwmeester flamand et membre du Conseil d’Administration de la Fondation Forêt de Soignes

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