Gestion forestière à petite échelle en forêt de Soignes.

Qu’est-ce que la gestion à petite échelle et pourquoi est-elle mise en œuvre ?

La gestion forestière ‘à petite échelle’, ‘sylviculture mélangée à couvert continu’ ou ‘futaie irrégulière par pied’ permet d’améliorer les habitats et de rendre les forêts plus résilientes en maintenant le couvert forestier continu.  C’est une gestion forestière à l’échelle de l’arbre.

En forêt de Soignes, les grandes coupes à blanc (sur des surfaces supérieures à 30 ares) ont été abandonnées afin de préserver le microclimat forestier.  Ce microclimat forestier est essentiel à plus d’un titre.  En maintenant un taux d’humidité optimal et en minimisant les fluctuations extrêmes de température, il favorise la régénération naturelle de la forêt.  Il contribue aussi à améliorer l’état de conservation des habitats Natura 2000, diminue les effets du changement climatique et prévient le développement des espèces invasives.

Les sites du patrimoine mondial de l’UNESCO « Forêts primaires et anciennes de hêtres des Carpates et d’autres régions d’Europe » situés au cœur de la forêt bénéficient eux-aussi de ce type de gestion.  Leur état de conservation est en effet favorisé par le maintien d’un microclimat forestier constant sur l’ensemble de la forêt.

Comment cette gestion est-elle mise en œuvre ?

La gestion ‘à couvert continu’ est centrée sur l’arbre et non plus sur le peuplement. La récolte de certains arbres adultes se fait sans créer dans la canopée une trouée plus grande que la projection verticale du houppier de l’arbre récolté (max. 350m²). 

Figure 1: Explications sur base du schéma d’un transect de 120 m dans une forêt à couvert continu.
R1, R2, R3 et R4 sont des arbres qui pourraient être récoltés individuellement dans les 24 ans à venir.  R1 mesure actuellement plus de 80 cm de diamètre.  En le récoltant maintenant, la régénération à sa droite pourra se développer grâce à l’apport de lumière.   R2 gène deux arbres objectifs (AO) et sera récolté lorsqu’il sera à dimension dans 8 ans. Après la récolte de R2, les deux arbres objectifs pourront se développer librement. Dès maintenant, deux arbres seront abattus lors de l’éclaircie (E) afin de permettre le bon développement des arbres objectifs dont ils gênent la croissance. Dans 16 ans, R3 sera à dimension d’exploitabilité. En le récoltant il donnera l’opportunité à deux arbres objectifs de se développer.  Dans 24 ans, R4 pourra être récolté afin de laisser place à deux arbres objectifs. On peut cependant s’attendre à ce qu’il développe d’importants micro-habitats au cours des 24 années à venir. Si c’est le cas, le gestionnaire décidera de ne pas le récolter mais de le maintenir sur pied comme arbre-habitat.

Les ‘arbres objectifs’ ou ‘arbres d’avenir’ sont désignés individuellement en fonction de leurs caractéristiques (espèce, qualité, rareté, semencier, valeur écologique) et de l’objectif de gestion.  Leur désignation se fait au moment où la première éclaircie devient indispensable pour permettre leur bonne croissance.  Ce n’est que si ces arbres objectifs ont besoin d’espace, pour bien croître ou pour se maintenir, que leur(s) concurrents) direct(s) seront coupés. 

Figure 2 (au-dessus de l’article) : récolte individuelle d’un hêtre

Figure 3 : L’habitat rare 9160, ou chênaie-charmaie avec une riche flore printanière et un mélange d’essences.

Les espèces d’arbres héliophiles nécessitent, surtout dans leur jeune âge, une attention particulière car ils ont besoin de plus de lumière pour se développer.  Les espèces sciaphiles supportent bien l’ombre.  En amenant plus de lumière dans les peuplements dominés par des hêtres, on permet donc à des espèces héliophiles de se développer.  Cela permet de convertir graduellement des peuplements monospécifiques en une forêt plus mélangée et étagée, avec des espèces diversifiées et des classes de tailles et d’âges différentes.

L’état de conservation des habitats Natura 2000 est lui-aussi amélioré grâce à cette gestion proche de la nature.  En favorisant la conservation du bois mort sur pied ou au sol, en maintenant les arbres-habitats et les chablis couchés par le vent, on favorise la riche faune sauvage de la forêt en leur offrant le gîte et le couvert.

Figure 4 : Conservation d’une quille morte sur pied.

Les arbres de très grande taille, richesse exceptionnelle de la forêt de Soignes

Il y a environ 6 arbres de très grande taille par hectare en forêt de Soignes.  Dans la littérature scientifique, on parle de VLT – Very Large Tree.  Leur diamètre est supérieur à 80 cm. 

Le maintien de 6 arbres de très grande taille par hectare sur l’ensemble de la forêt de Soignes oblige les gestionnaires à collecter suffisamment d’information sur ces VLT afin de permettre leur gestion durable, contrôler leur récolte et leur taux de récolte.  Cela veut dire que si les gestionnaires récoltent ou coupent de tels gros arbres, ils doivent aussi donner l’opportunité à certains arbres de taille inférieure de grossir afin d’arriver dans la même classe.  Cela favorise le rôle de puits de carbone joué par la forêt de Soignes.

Avantages supplémentaires de cette gestion à petite échelle

La gestion forestière à couvert continu est mieux perçue que les coupes à blanc et est donc plus facilement acceptée par le public.  C’est un système de gestion assez facile du hêtre (l’espèce dominante en forêt de Soignes) et d’autres espèces tolérantes à l’ombre comme le charme, l’érable et le tilleul. Le mélange de hêtres avec d’autres espèces indigènes rend la forêt plus résiliente et écologiquement plus intéressante. La plantation de jeunes arbres dans un système à couvert continu imite la régénération naturelle où des arbres matures auraient été récoltés.  Cela permet d’introduire d’autres essences qui sont actuellement rares en forêt de Soignes comme le Tilleul à petites feuilles et le Chêne sessile.

L’objectif ultime est d’évoluer vers une forêt plus résiliente face aux effets du changement climatique qui abrite une biodiversité plus riche tout en préservant un patrimoine exceptionnel.

Figure 5 : Une jeune plantation de tilleuls en cellule

Texte et photos : Frederik VAES

Ingénieur – Chef de département Forêt, Bruxelles Environnement

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